25 Janvier 2007
Beaucoup d’entre nous connaissent Valéry Giscard d’Estaing par le biais des « Enfants de la Télé » puisque la fin d’une de ses allocutions est reprise en guise de générique : lorsqu’il prononce le fameux « Au Revoir » suivi d’un départ théâtral du plateau qui, aujourd’hui, paraît ridicule tant le personnage est emprunté et semble désespérément chercher la sortie du plateau. Et pourtant cette scène est symbolique à plus d’un titre. A l’issue d’une âpre et difficile campagne, François Mitterrand est élu président de la République le 10 mai avec environ 52 % des suffrages exprimés. C’est une première dans l’histoire de la République. Un président élu au suffrage universel direct va succéder à un autre. La passation de pouvoirs s’organise et elle est prévue le jeudi 21 mai 1981, Valéry Giscard d’Estaing souhaitant quitter au plus vite l’Elysée. Le mercredi 13 mai a lieu le dernier Conseil des Ministres et il est annoncé une allocution du président Giscard d’Estaing quelques jours avant son départ. Cette dernière du septennat giscardien occupe une place particulière dans notre histoire politique notamment par le discours et la mise en scène tous les deux très singuliers. Le mardi 19 mai 1981, Valéry Giscard d’Estaing s’adresse aux Français, pour la dernière fois en sa qualité de président de la République. Le président apparaît ému et surtout blessé par cette défaite à laquelle beaucoup ne croyait pas. Le ton est donc solennel. Le président exprime d’abord aux Françaises et aux Français l’honneur qu’il a eu de diriger le pays "dans un monde difficile, dangereux, aux prises avec une crise économique, sociale et aussi morale, sans précédent depuis cinquante ans". Valéry Giscard d’Estaing considère qu’il a, pendant sept ans, préservé notre pays de tout péril extérieur, ses institutions, bref veiller à son bien-être et il dresse un bilan du septennat. La fin de l’allocution est beaucoup moins rationnelle. Certes, le chef de l’Etat affirme qu’il continuera de veiller à "l’intérêt de la France" et il se fait ensuite prophétique : "Et, dans ces temps difficiles où le mal rôde et frappe dans le monde, je souhaite que la Providence veille sur la France, pour son bonheur, pour son bien et pour sa grandeur". C’est alors que le président de la République prononce lentement ces deux mots, que la conscience collective considère comme le moment fort du septennat giscardien, ce qui est très réducteur : "Au revoir" ! Ce n’est pas un adieu, c’est un au revoir. Le président, grave, se lève et quitte le plateau tandis que retentit "La Marseillaise". La caméra continue de filmer ce fauteuil désespérément vide, pendant encore quelques secondes qui paraissent des minutes, tant l’intensité et le caractère dramatique de la scène sont forts. Le 21 mai 1981, à 9h35, François Mitterrand entre à l’Elysée, accueilli sur le perron par le président Valéry Giscard d’Estaing dont les fonctions cessent le vendredi 22 mai à 00h00. Les deux hommes entrent rapidement dans le palais et durant un entretien qui va durer cinquante minutes, VGE communique, entre autre, à son successeur, le numéro enclenchant la force de frappe nucléaire. A 10h20, François Mitterrand raccompagne le président sortant. Giscard serre la main de son successeur et quitte la cour d’honneur… à pied. VGE quitte l’Elysée à pied comme il y était entré ! Mais l’instant symbolique devient vite dramatique lorsque le président est hué et insulté par une foule composée essentiellement de militants socialistes qu’ont bien du mal à contenir les forces de l’ordre. Certains crient même "A mort, Giscard" ! Bien vite, le président regagne une voiture banalisée, garée dans une rue adjacente et conduite par Henri Giscard d’Estaing, le fils du président. Le président passe par son domicile, rue de Bénouville où il est acclamé par un millier de ses supporters avant de reprendre la route vers la résidence familiale d’Authon. En ce jour de mai 1981, la France vient de démontrer sa maturité démocratique en procédant à une alternance politique sans heurts et ce d’autant que le président sortant était candidat à sa propre succession. C’est une première qui ne s’est pour l’heure pas renouvelée car, en 1995, Mitterrand n’était pas candidat. Et pour l’heure, on ne s’est toujours pas si Jacques Chirac sera candidat… à un troisième mandat.